L’ancien rivage de Malonne

Voici un coin de Malonne qui a bien changé en quelques décennies. Il était autrefois bucolique, à l’époque où la Sambre venait pratiquement longer la colline. L’étroite chaussée de Charleroi n’était empruntée que par quelques chariots et les chevaux préposés au halage, tirant les péniches.

Si on remonte bien plus encore dans le temps, c’est ici, dit-on, que dans la seconde moitié du 7e siècle serait arrivé le moine anglo-saxon Berthuin. Un ange l’aurait poussé à gagner la Gaule, chercher la rivière Sambre et le ruisseau Landuve. Roga, la propriétaire de la villa de Flawinne, l’aurait dirigé vers le vallon où le religieux fonda alors la communauté qui donna ensuite naissance à l’abbaye et au village. Une stèle a été placée là en 1998, treizième centenaire de la mort de Berthuin ; les zouaves y font halte lors de chacune de leurs sorties.

Mais si le Landoir (ou Landuve) aboutit toujours ici, retrouvant l’air libre pour un court tronçon seulement après son long cheminement souterrain, la Sambre, par contre, fait désormais défaut.

La rectification de son cours fut un long chantier. Au début du 20e siècle, entre Charleroi et Namur, la rivière avait un parcours très sinueux, marqué par une succession de petites écluses qui constituaient autant d’obstacles : les inondations étaient fréquentes. L’Etat entreprit donc de couper les méandres les plus prononcés et de bétonner les berges. Ecologiquement, ce fut une catastrophe, mais ce genre de préoccupations n’était pas encore à l’ordre du jour.

 

C’est entre 1956 et 1961 que fut rectifié le tronçon entre Floriffoux et Bauce : construction d’un barrage-écluse à Floriffoux et suppression de celui de Flawinne, raccourcissement du virage de Malonne. Ceci amena la démolition d’une ferme, appelée La Lache, et d’une ancienne usine de porcelaine, la Majolique, qui étaient sur le chemin.

Le déplacement de la rivière libéra du terrain qui permit ensuite de dessiner un nouveau tracé pour la route nationale Namur-Charleroi, à quatre bandes. Tandis que l’ancien dépôt du tram vicinal était reconverti en commerces, on transforma les prairies en zone industrielle. Dernière étape de cette profonde mutation : dans les années 1990, l’aménagement de deux zonings commerciaux, de part et d’autre de la nationale.

Bizarrerie : la Sambre a bougé de place, mais pas les limites administratives communales. C’est toujours l’ancien tracé de la Sambre, le long de la rue du Rivage, qui sépare Malonne de Floriffoux (Floreffe) : les bâtiments des M. Bricolage, Aldi, Trafic sont sur Floreffe alors que leur adresse postale est sur Malonne.

Jean-François Pacco