Chemin du Chêne Jacqueline

Voici un nom de rue insolite. Pour comprendre son origine, il faut remonter aux fusions de communes, en 1977. Jusque-là, la plupart des rues et chemins malonnois ne portaient pas de nom. Les maisons étaient répertoriées suivant une numérotation continue, pour tout le village, et la seule façon de les localiser était les lieux-dits, les Champs de Malonne dans le cas qui nous concerne.

Avec l’intégration de Malonne dans le Grand-Namur, il fut décidé de mettre un terme à ce qui risquait devenir un casse-tête postal et administratif, d’autant plus que l’urbanisation galopait. Et on donna un nom à chaque rue, y compris les plus champêtres. Pour éviter de tomber dans le registre banal utilisé souvent ailleurs, genre « rue des Mimosas », on puisa dans les appellations anciennes, véhiculées par la tradition ou mentionnées dans de vieux documents.

Ce ne fut pas toujours facile, et, ci et là, on dut forcer un peu la géographie ou l’histoire pour trouver un nom original pour chaque chemin. Ce fut le cas ici. Car l’appellation « Chêne Jacqueline » existait bien autrefois, mais elle s’appliquait à un lieu situé à 400 mètres au nord-ouest de notre chemin actuel. A savoir : à l’angle du bois du Tombois et du chemin des Deux Pays.

Ce dernier marque, depuis des siècles, la limite entre les territoires de Malonne et Floreffe, mais aussi, autrefois, entre Principauté de Liège et Comté de Namur. Ces lieux frontaliers et isolés étaient souvent retenus comme lieux de justice, où l’on exécutait les condamnés. Le chêne était un arbre symbole de puissance, d’autorité. Un document de 1672 signale la présence en cet endroit d’un vieux chêne brûlé, appelé « le chesne Jacqueline », « à raison que ceux de la justice de Floreffe ont fait brûler une sorcière de ce nom à l’encontre dudit chesne. »

On n’en sait guère plus à propos de cette sorcière Jacqueline. Mais toutes nos régions connurent, au début du XVIIe siècle, une véritable épidémie de procès contre des femmes accusées de pactiser avec le démon, de participer à des réunions sataniques et de jeter des mauvais sorts ; c’est par dizaines que ces pauvres victimes furent ainsi conduites au bûcher.

Texte : Jean-François Pacco